Les Kosovars accusent la mission européenne Eulex de se rapprocher de plus en plus de Belgrade au mépris de l'indépendance proclamée en 2008 par le Parlement de Pristina.
c'est certainement l’accord signé le 11 septembre entre la mission européenne au Kosovo et Belgrade qui a été la goutte de trop. Ce texte portait pourtant sur la coopération policière et visait à combatre, selon l’EULEX (Mission européenne de police et de justice au Kosovo) la "corruption, le crime organisé et les trafics entre le nord du Kosovo et la Serbie". Mais, pour les Kosovars, cet accord entre Européens et Serbes (désormais dispensés de visas dans l’Union européenne) était discriminatoire. Pis, selon Pristina, il vidait de son contenu l’indépendance et la souveraineté récement acquises de l’ancienne province serbe. Dans un entretien accordé à Express, Albin Kurti, dirigeant du mouvement Vetëvendosje (Autodétermination) et chef de file des contestataires de la politique européenne, appelle Pristina à cesser toute coopération avec la mission européenne qu’il juge "usurpatrice de [son] autorité". C’est sous son impulsion qu’une manifestation nationale a été organisée le 14 septembre pour protester contre l’accord EULEX-Serbie. Dans son éditorial, le quotidien explique cette colère par l’attitude contradictoire des Européens qui "cherchent à ‘implémenter’ un système de justice et de lois en croyant que les Serbes doivent être ménagés maintenant que les Albanais du Kosovo ont obtenu leur indépendance". "L’Europe culpabilise toujours à propos des bombardements de l’OTAN en 1999 [contre le régime de Belgrade, et qui ont abouti au retrait des forces serbes de la province] du coup elle se rachète comme elle le peut", conclut Express.
Officiellement, Pristina ignore le protocole de collaboration policière entre l’EULEX et la Serbie. Le vice-Premier ministre, Hajredin Kuçi, précisait récemment que "le Kosovo ne faisait pas partie de ce processus". "La question n’existe donc pas pour nous", poursuivait-il. Il a aussi remarqué que la collaboration kosovare avec la mission européenne se poursuivait, mais sans que la "Constitution ni l’intérêt national du Kosovo en pâtissent". L’opposition kosovare n’hésite pas à condamner l’attitude passive du gouvernement, qui assiste en tant que spectateur à tous les changements qui s’opèrent dans le pays. Cependant, les opposants n'ont été, le 14 septembre, qu’un millier à descendre dans la rue à l’appel de Vetëvendosje. Une faible mobilisation populaire due, selon un éditorialiste d’Express, au "coma intellectuel qui sévit dans un pays dépourvu de courage civil". L’autre quotidien majeur du Kosovo, Koha Ditore, appelle ses lecteurs à signer une pétition contre la politique discriminatrice des visas mise en place par l’UE. Augustin Palokaj, correspondant à Bruxelles de Koha Ditore, justifie les décision européennes en rappelant le peu de progrès des Kosovars dans la construction de leur "Etat". "Le Kosovo prouve mal que son Etat fonctionne. Pis, il ne fait que montrer qu’il n’en dispose pas. Lorsqu’un Etat n’agit pas à bon escient, comment peut-il s’attendre que ses citoyens et la communauté internationale le respectent ? Il est temps que le Kosovo apprenne à fonctionner comme un Etat, s'il veut que le reste du monde le reconnaisse en tant que tel", conclut-il.
http://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/2009/09/21/la-colere-gronde-contre-bruxelles