Bonne chance à la Serbie et à la Russie en espérant que cette dernière retrouve du poids sur la scène internationale ! mais la partie est très serrée : extrait du Nouvel Obs de ce jour :
Révélations sur le plan de l'ONU
Le Yalta du Kosovo
Depuis la guerre de 1999, la définition du statut définitif de la province serbe divise les grandes puissances et risque d'enflammer toute l'Europe orientale, jusqu'au Caucase
Nous y voilà enfin. Dans quelques semaines, les grandes puissances vont sceller le sort du petit Kosovo. Au Conseil de Sécurité des Nations unies, elles devront décider du statut définitif de cette province séparatiste de la Serbie, peuplée à 90% de musulmans et administrée par la communauté internationale depuis plus de sept ans - depuis qu'au printemps 1999 l'Otan en a chassé l'armée de Milosevic. L'affaire est d'importance, car, du résultat de ces tractations diplomatiques dépend la stabilité de l'ex-Yougoslavie, mais aussi de l'ensemble des Balkans, du Caucase, voire de toute l'Europe orientale. Sous couvert de l'anonymat,un négociateur français a raconté au « Nouvel Observateur » les dessous de ces pourparlers qui occupent les chancelleries depuis de nombreux mois. Il a notamment livré les grandes lignes du projet de statut que l'envoyé spécial de l'ONU pour le Kosovo, Martti Ahtisaari, va présenter le 26 janvier à Vienne.
«Cette affaire est sans précédent, explique ce diplomate français. Jamais dans l'histoire l'ONU n'a eu à redéfinir le statut international d'une région à l'intérieur d'un pays souverain. Nous y sommes contraints par la résolution 1244 adoptée à la fin de la guerre du Kosovo. Nous avons d'abord essayé de trouver une formule acceptable par les deux parties, kosovare et serbe, compromis que les grandes puissances n'auraient eu qu'à entériner. Mais nous n'y sommes pas parvenus. Il n'y a rien à faire : les positions de Belgrade et de Pristina sont irréconciliables. Les Kosovars exigent mordicus une indépendance de leur province tandis que les Serbes refusent de leur lâcher plus qu'une «large autonomie». Le Conseil de Sécurité va donc devoir trancher. Mais pour cela Russes, Américains, Chinois, Français et Britanniques les permanents - doivent d'abord se mettre d'accord entre eux. C'est la partie qui se joue aujourd'hui.»
Les grandes capitales vont débattre d'un texte élaboré par un émissaire du secrétaire général de l'ONU, le Finlandais Martti Ahtisaari. Que va-t-il leur proposer le 26 janvier prochain ? «Une indépendance du Kosovo très fortement encadrée, explique le diplomate français. D'après le projet, le nouveau pays sera doté des attributs de la souveraineté qu'il a déjà (président, parlement, gouvernement...), mais sa souveraineté sera limitée.»
Le Kosovo n'aura pas droit à une armée, seulement à une force d'autodéfense de quelques milliers d'hommes. Il aura toujours sur son sol une importante présence militaire internationale, probablement l'Otan (même si Jacques Chirac souhaite que l'Union européenne prenne la relève de l'Alliance atlantique). Ce n'est pas tout. Une sorte de préfet, désigné par l'Union européenne, y aura des pouvoirs étendus en matière de sécurité et de législation. Des policiers et des magistrats européens seront chargés de la criminalité organisée et des troubles ethniques. Enfin, selon l'une des dernières moutures du texte d'Ahtisaari, le Kosovo n'aura pas de siège à l'ONU ni d'ambassadeurs à l'étranger, du moins dans un premier temps.
Sur l'ensemble du projet, qui n'est pas encore public, tout le monde au Conseil de Sécurité est déjà d'accord - sauf les Russes, alliés fidèles des Serbes.En fait, Moscou fait tout pour saboter le processus diplomatique. Un jour, le Kremlin menace d'opposer son veto à toute résolution instituant un Kosovo souverain. Le lendemain, Poutine affirme que, si l'ONU déclare la province serbe indépendante, Moscou reconnaîtra dans la foulée les républiques séparatistes d'Abkhazie et d'Ossétie (en Géorgie), de Transnistrie (en Moldavie) et le Haut-Karabakh (en Azerbaïdjan) - ce qui enflammerait tout le Caucase, voire toute l'Europe de l'Est, où des minorités ethniques (en Slovaquie, en Roumanie...) pourraient vouloir,elles aussi, bénéficier du « précédent » kosovar et exiger leur indépendance.
Comment ce casse-tête finira-t-il ? «En bout de course, l'affaire se réglera entre le Kremlin et la Maison-Blanche, comme au bon vieux temps, dit le responsable français. Et c'est bien ce que les Kosovars craignent. Car, sur le grand échiquier mondial, leur petit pays ne pèse pas lourd. Ils savent qu'ils peuvent faire les frais d'un marchandage entre Moscou et Washington à propos de l'un des sujets géostratégiques du moment, la Corée du Nord, le nucléaire iranien ou que sais-je encore... C'est pourquoi il y a tout à redouter des semaines qui viennent. Si les négociations traînent en longueur, les Kosovars risquent fort de vouloir arracher leur indépendance les armes à la main.» Des groupes seraient déjà prêts à passer à l'offensive.
Vincent Jauvert
Le Nouvel Observateur
Accueil 
Notre site 
Ven 19 Jan - 19:36
