"L'indépendance est inévitable" selon Lufti Haziri, "vice-premier ministre du Kosovo" (interview)
Kosovo, Serbie, le 25 janvier 2007
Pour le vice-Premier ministre du Kosovo, le résultat des élections en Serbie n'influera pas sur l'avenir de la province dont le sort pourrait être prochainement fixé par la communauté internationale.
Les résultats des élections en Serbie ont placé en tête les ultranationalistes. Cela augure mal des négociations sur le Kosovo, non ?
Tout d'abord, nous nous félicitons de la tenue d'élections démocratiques en Serbie. Pour le reste, je ne voudrais pas spéculer car il s'agit d'élections qui ont eu lieu dans un Etat voisin, il s'agit donc prioritairement d'une affaire interne à cet Etat. Je voudrais seulement souligner qu'il n'est pas seulement dans l'intérêt des Balkans, mais dans celui de la Serbie même, d'avoir un gouvernement qui sortirait le pays du chaos actuel.
Pensez-vous que le nouveau gouvernement serbe retardera les négociations sur le statut final du Kosovo ?
Ces résultats ne montrent pas une évolution notable des aspirations de l'électorat serbe depuis 2003, tandis qu'entre-temps la question du Kosovo et la définition de son statut final ont beaucoup progressé. La position officielle de Belgrade sur cette question ne m'est d'ailleurs pas inconnue, la communauté internationale en est consciente aussi. Ce qui est important, c'est que le processus de finalisation du statut final du Kosovo aboutisse très bientôt à l'indépendance. Nous en sommes aux derniers détails. Nous n'attendons que les propositions de l'envoyé spécial de l'ONU pour le Kosovo, l'ancien président finlandais Martti Ahtisaari, un "paquet" qu'il doit d'abord présenter aux membres du Groupe de contact [Russie, Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Allemagne et Italie] et ensuite devant le Conseil de sécurité de l'ONU. Puis nous organiserons des élections générales au Kosovo afin de créer de nouvelles structures étatiques. Nous sommes déjà en train jeter les bases d'un nouvel Etat.
Le Premier ministre de Serbie sortant, Vojislav Kostunica, aura certainement de nouveau un rôle important dans le gouvernement – et la politique extérieure – de la Serbie. Or, sur le Kosovo, sa position a toujours été claire : pas d'indépendance, ce territoire fait partie intégrante de la Serbie. Allez-vous négocier avec lui ?
Sans vouloir rentrer dans le détail du futur gouvernement serbe, je voudrais seulement rappeler que tous les hommes politiques serbes, et non Kostunica seulement, ont tenu pendant la campagne électorale des propos hostiles à l'indépendance du Kosovo. Ce qui est important pour nous est que la question du Kosovo n'est plus un otage de la politique intérieure serbe, elle figure désormais en haut de l'agenda international et se trouve aujourd'hui en voie d'être résolue. Et les événements en Serbie n'influeront pas là-dessus. Je ne peux pas vous donner de date butoir, mais une chose est sûre : l'indépendance du Kosovo est inévitable.
La chancelière allemande Angela Merkel, dont le pays préside actuellement l'Union européenne, estime que les décisions sur le statut final du Kosovo doivent également être approuvées par la population de la province. Allez-vous organiser un référendum ou les soumettre au vote du Parlement ?
Cette condition est là depuis le début des négociations : la décision finale, quelle qu'elle soit, devra être soumise à l'approbation des Kosovars. Le Kosovo possède déjà des institutions, comme son Parlement, issues du vote libre et démocratique de ses citoyens. Aucune décision majeure pour l'avenir du pays ne sera prise sans leur participation et leur avis.
Et qu'en est-il des communes à majorité serbe ?
Ces communes font partie du Kosovo, autant sur le plan territorial et politique que légal. Ce ne sont pas des entités à part, elles ne se définissent pas sur une base ethnique. Et il est exclu qu'elles soient gouvernées d'ailleurs que depuis Pristina.
Dans les cercles diplomatiques, on parle de plus en plus d'une indépendance sous conditions pour le Kosovo. Qu'en pensez-vous ?
Une légère surveillance internationale du nouvel Etat kosovar ne veut pas dire une indépendance sous conditions.
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